Pourquoi certains joueurs optent pour des sneakers “rétro”

Les vieux modèles de sneakers sont à la mode sur les parquets NBA. Qu'il s'agisse de rendre hommage à un ancien joueur ou d'opter pour un style « old school », ces joueurs se font remarquer en boudant les dernières gammes des équipementiers. Retour vers le futur sur un phénomène qui n'est pas sans poser de problèmes.

Guillaume RantetPar Guillaume Rantet | Publié  | BasketSession.com / HOOP CULTURE / Ekickment
Pourquoi certains joueurs optent pour des sneakers “rétro”
Certaines choses sont indémodables. Les jeans. Les Converse. Les chemises blanches. Les RayBan. Les marinières. Et...les sneakers. Des années après la sortie des modèles, certains joueurs se plaisent ainsi à porter des chaussures « vintage ». En ressortant de leurs placards leurs vieux modèles, ou en achetant la réédition d'un d'entre eux. L'objectif : briller en affichant une allure « old-school ». Plusieurs joueurs de la Grande Ligue se sont même fait spécialiste de la cause et affichent régulièrement celles que l'on appelle aussi les « rétros ». Leurs noms : Nick Young, Nate Robinson, Tony Wroten, P.J. Tucker... Entre autres. Des paires venues tout droit du passé qui sont loin de passer inaperçues, et qui suscitent de nombreuses questions. Est-ce risqué de les chausser ? Pénalisent-elles les joueurs qui doivent rivaliser avec des adversaires portant les tout derniers modèles ? Ce souci du style se fait-il au détriment du jeu, en somme ?

« Be Like Mike »

Qui n'a pas rêvé de se glisser dans la peau du plus illustre des héros de la balle orange ? De revêtir sa célèbre tunique frappée du numéro 23, d'infliger 63 points aux Celtics tout en le vengeant en ponctuant ce chef d’œuvre d'une victoire ? D'inscrire « The shot » devant Craig Ehlo en 1989, ou, numéro 45 dans le dos, de (re)faire des misères à toutes les défenses adverses après avoir dit « I'm back ! » ? Autant de fantasmes permis par l'acquisition des célèbres Air Jordan 1. Qu'il s'agisse du modèle rouge et noir interdit par la Ligue lors des débuts de Michael Jordan avec les Bulls (et qui lui ont valu plusieurs amendes de 5 000$), ou de celui rouge, noir et blanc porté par exemple lorsque « Dieu s'est déguisé en Michael Jordan » (cf Larry Bird après ses 63 points face aux C's), ces vieux modèles de la franchise Jordan Brand permettent à tout profane de goûter à ses rêves. D'être Mike, d'une façon bien particulière. Trente ans après, ils sont toujours convoités et n'ont, pour certains, absolument pas perdu de leur splendeur. Nate Robinson est l'un des plus grands sneakers-addicts en NBA. Pour faire comme Mike, le meneur n'a pas hésité à porter les Air Jordan XII « Flu Game », utilisées par His Airness lors de ce célèbre match 5 des finales de 1997 face au Jazz. C'était en 2012-2013, sous les couleurs des Bulls, rapporte le Elite Daily. Mais celui qui s'est engagé cette saison avec les Clippers ne s'est pas arrêté là dans le vintage. À la mi-temps d'un match de playoffs face aux Nets, déçu de sa performance, il switche pour les « Playoff » XIII. Un autre modèle de Jordan Brand sorti en 1998 pour accompagner les treizièmes playoffs de MJ. La métamorphose est immédiate : Nate Robinson inscrit 29 points dans le quatrième quart-temps et en prolongation. Elles sont « super-confortables », lâche-t-il à Complex, qui a interrogé plusieurs de ces joueurs qui se plaisent à imiter nos héros du passé en tentant de marcher non seulement sur leurs pas, mais avec les mêmes chaussures. « Je me sens comme un monstre quand je les mets » rajoute-t-il. Ou comme Mike. [html] [/html]

Souffrir pour être beau

Nate Robinson a fait des émules sur les parquets américains. Et particulièrement cette saison. En janvier, l'ailier des Raptors James Johnson a porté les « Varsity Red » Air Jordan XVII datant de 2002, raconte Complex. Autre adepte de sneakers « vintage », Nick Young a opté pour les « Cool Grey » XI dont la sortie date de 2001. Mais certains reconnaissent que ces anciens modèles ne sont pas si confortables que les nouveaux. C'est notamment le cas du joueur des Phoenix Suns P.J. Tucker.
« Non, les rétros ne sont pas tout le temps confortables », avoue-t-il au média américain.
Atteint du syndrome Nate Robinson, à la mi-temps d'un match face aux Cavs, il laisse tomber ses « Doernbecher » IX pour les Air Jordan III « White Cement ». [html] [/html] Les sneakers, P.J. Tucker les collectionne depuis enfant. Pour lui, ces Air Jordan III, sorties en 1988, sont très confortables. Ce qui n'est pas le cas d'autres « rétros ».
« Beaucoup d'autres rétros ne sont pas si confortables, mais je les porte quand même. »
Nate Robinson et P.J. Tucker ont un goût prononcé pour l'anachronisme. Eux ne se soucient pas des innovations obsessionnelles de Nike, d'Adidas et d'autres équipementiers. Elles pourraient leur apporter un supplément de confort, mais ils s'en moquent. Leur priorité tient en cinq lettres : « style ».
« En matière de style, certaines rétros sont encore les plus belles shoes du marché aujourd'hui », explique le joueur des Suns, qui ajoute qu'elles peuvent se vanter d'un style que « certaines des plus récentes n'auront jamais. »
Nate Robinson enchaîne :
« Elles ont une plus grande énergie. Elles ont une plus grande âme. »
Ces sneakers lui font l'effet d'un vieux film, d'un livre ou d'un tableau d'une autre époque : elles lui rappellent le passé. Les années 80 et 90 en l’occurrence. Et, à la manière de la célèbre madeleine de Marcel Proust, le replongent intensément dedans. Pour son plus grand plaisir.
« Porter des rétros est comme marcher dans le passé, mais dans le présent. »
Pour ceux qu'elles ne lâchent pas en pleine rencontre...

Trahi par ses chaussures

Cette saison, ces sneakers « vintage » ont également permis à leurs propriétaires quelques passages dans les bêtisiers. En décembre dernier, Nick Young ressort ses « Cool Grey » Air Jordan 11. Si la dernière réédition des chaussures date de 2010, le joueur des Lakers, lui, a décidé de porter une paire de 2001. Problème : sa semelle se détache en pleine rencontre. « Swaggy-P » est trahi par le swag...
« Je dois en parler à Michael Jordan avant de porter plainte », lâche, blagueur, l'arrière.
[html] [/html] Le site spécialisé avertit :
« Ces joueurs doivent comprendre que ces sneakers vieilles de dix ans ne peuvent plus être portées. Particulièrement si elles sont restées dans une boite durant des années. »
Tony Wroten acquiesce. L'arrière des Sixers a en effet connu la même mésaventure. Ses chaussures ? Les Air Jordan 10 « Varsity Red ». En mars 2014, face aux Pacers, sa semelle le lâche et le laisse pieds nus. https://www.youtube.com/watch?v=SlaxYSYU_ug Pour en savoir plus, le site TheShoeGame.com contacte le manager de Sole Control, le distributeur qui lui a vendu le modèle. Il raconte :
« Ses sneakers avaient neuf ans. Si tu gardes des sneakers une dizaine d'années, il faut t'attendre à ce que la colle s'use. Tony joue en NBA. Ce n'est pas seulement un match improvisé, donc ses sneakers s'usent et se déchirent beaucoup. Cela n'a rien à voir avec la qualité des sneakers de Jordan Brand. Les joueurs comme Tony Wroten et Nick Young courent après les sneakers parce qu'ils veulent jouer avec des sneakers rétro qui ont l'air belles. »
Encore faudrait-il qu'elles ne leur fassent pas faux bond en pleine rencontre. Et c'est bien ce qui énerve la plupart des sites dédiés aux sneakers, particulièrement agacés envers ses joueurs qui se refusent à adopter les plus récents modèles sur le marché pour basculer dans un autre temps. Une tribune publiée sur le même média appelle ainsi à « arrêter la folie ». Pourtant, le plus célèbre des basketteurs a lui aussi connu la folie vintage. C'était le 8 mars 1998, au Madison Square Garden. Afin de marquer le coup à l'occasion de son dernier passage à New York sous les couleurs des Bulls, Michael Jordan prévoyait une surprise à la célèbre enceinte.
« En raison de son amour envers New York City, Michael a dit qu'il s''apprête à faire quelque chose de spécial », annonçait avant la rencontre Ahmad Rashad, dans des propos rapportés par Sole Collector dans un article consacré à ce geste. « Et cette chose, c'est porter ses premières Air Jordan. »
Dans son autobiographie, His Airness racontera que c'est sa femme qui a retrouvé la paire alors qu'elle faisait un ménage de printemps. Mais aussi qu'il prévoyait seulement de les mettre à l'échauffement avant de décider d'enchaîner avec en raison de l'attention que les gens leur portaient. https://www.youtube.com/watch?v=JWLMir7yyCk Malgré des chaussures vieilles de treize ans et trop petites pour ses pieds, il termine la rencontre avec 42 points, 8 rebonds, 6 assists. Plus une énorme ovation du Garden. Ses sneakers n'ont pas lâché. En fin de compte, tout le monde ne peut pas faire comme Mike...

Pour l'hommage

P.J. Tucker ne laisse rien au hasard. Alors lorsqu'il décide de porter des Jordan dites « PE », soit « player exclusive », dédiées à un joueur, il s'en sert pour rendre hommage à ceux qu'il admire et à qui il doit beaucoup. Novembre 2014 : de passage à Toronto, il utilise ses « Fred Jones » Jordan VIII, sorties en 2007-2008 lors de la saison de l'ancien arrière chez les Knicks.
« Les couleurs ont rendu les gens dingues. Tu ne vois pas souvent le noir marié avec le orange », raconte-t-il à Complex.
C'est lors de l'exercice 2006-2007 qu'il a croisé la route de Fred Jones. Ce dernier, fort de ses huit années d'expérience et de sa victoire au Slam Dunk Contest en 2004, prend alors le rookie sous son aile. Avant la rencontre, il postait un message sur Instagram :
« Ce soir je suis de passage à Toronto et je voudrais dédier ça à mon frère, mon ancien, celui qui m'a montré comment être joueur NBA...Fred Jones. »
[html] [/html] Un joli clin d’œil suivi d'autres. Ainsi, s'il porte les modèles Jordan dédiés à Derek Anderson, c'est également pour lui rendre hommage.
« Derek Anderson est l'un de mes joueurs préférés. Je collectionne les Derek Anderson PE depuis des années, depuis que je suis à l'Université. J'ai certainement plus de ses chaussures que quiconque. »
Les deux hommes ont même fini par sympathiser grâce aux messages envoyés sur les réseaux sociaux de l'actuel à destination de l'ancien NBAer.
« Nous avons fini par nouer contact », explique ce dernier. « C'était l'un de mes joueurs préférés. C'est cool car les chaussures nous ont en quelque sorte réunis. »
Comme le rapporte Sole Collector, il a aussi tenu à exprimer son admiration envers Michael Finley en portant ses Air Jordan 14 sorties en 2005. Il y a donc désormais dix ans... Décidément, P.J. Tucker aime le vintage. Et le risque. Il pourrait bientôt connaître la même destinée que Tony Wroten et Nick Young et se ridiculiser à son tour. Alors, porter des « rétros » est-il un risque à prendre pour faire comme les anciens ? Peut-être. Mais seulement pour Mike.
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